lundi 4 décembre 2006

Faut-il définir le Web 2.0? Rencontre avec Tim O'Reilly, "révélateur" du Web 2.0

Cette rencontre avec Tim O’Reilly a eu lieu dans le cadre d’un projet de livre sur le Web 2.0, coproduit par L’Atelier et Transnets. En effet, Francis Pisani, journaliste et bloggeur reconnu sur le site du Monde, et L'Atelier US avons décidé il y a quelques semaines de lancer l’écriture d’un livre sur La dernière tendance d’Internet : le Web 2.0. Et d’ouvrir le débat, pendant l’écriture du livre.

Les lecteurs de l’Atelier retrouveront d’ici sa parution, en avril 2007, des articles de fond, des questions, des propositions sur le site de L’Atelier. Ils retrouveront sur le blog Transnets, des billets et la possibilité de commenter et d’apporter leur contribution à la réflexion en cours.

Le Web 2.0 tire son essence des effets de réseau et de "l’intelligence collective", dont il nous faudra débattre. Il fallait donc placer ces phénomènes au cœur de la rédaction. Grâce au blog, c’est possible…

Le livre paraîtra en avril, au Village Mondial. A suivre...

Ecrire sur le Web 2.0 sans parler de Tim O’Reilly, le « révélateur » du phénomène, tient de la gageure. Il a accepté de rencontrer l’Atelier et Transnets dans ses bureaux de Sébastopol, au cœur de la Napa Valley (la région viticole au nord de San Francisco), pour nous aider à la préparation de notre livre.

Tim O’Reilly est le fondateur et dirigeant d’une célèbre maison d’édition technique et organisateur de conférences : le groupe O’Reilly. Il est aussi celui par qui est arrivé l’expression "Web 2.0". Si, pour être parfaitement juste, c’est un de ses collaborateurs qui a forgé l’expression, Tim O’Reilly qui l’a popularisée en organisant la première conférence Web 2.0, à San Francisco, en octobre 2004, et en posant les premières bases du concept, dans un texte fondateur qu’on peut retrouver sur son blog.

Parmi les moments forts de l’entretien, que nous reprendrons dans le livre à paraître, nous avons demandé à Tim O’Reilly de préciser sa définition du Web 2.0.

Le Web 2.0 est un fait, une nouvelle ère. Il n’a donc pas de définition...

"Les définitions sont des constructions de langage pour expliquer des choses. Or, le web 2.0 n’est pas vraiment une chose. C’est plutôt la description d’un "tipping point (1)", de ce moment où un phénomène un peu unique et isolé devient commun et se généralise. Une sorte de point de rupture et de passage à une nouvelle ère, avec de nouveaux acteurs et de nouvelles règles.

Pour bien le comprendre, on peut faire une analogie avec le développement de l’ordinateur personnel dans les années 80. Les ordinateurs sont progressivement devenus de plus en plus personnels, et à un certain moment (difficile à dater avec précision), le centre de gravité est passé du mainframe à l’ordinateur personnel. Tout à coup, des acteurs comme IBM, au centre du développement des ordinateurs dont ils étaient les constructeurs, perdent la main au profit de nouveaux acteurs comme Microsoft, qui proposent les outils d’exploitation de cet objet personnel. D’une certaine façon, nous sommes alors passés de l’aire du PC 1.0, avec IBM comme acteur principal, à l’heure du PC 2.0, beaucoup plus personnel, avec Microsoft comme leader. Il ne s’agit pas d’une définition, mais d’un fait !

Le Web 2.0 est très similaire. Il y a aujourd’hui un « tipping point » dans le développement du Web. Internet a 25 ans, le Web déjà 15 ans. Au début, ils n’étaient qu’un « plus » parmi les applications et les services utilisés sur les PC. Ils sont aujourd’hui passés au centre. L’introduction en Bourse de Google en août 2004 a certainement été emblématique de ce tournant, mais en fait il faut analyser ce passage comme l’arrivée d’Internet au cœur des PC. Le pouvoir s'est de nouveau déplacé.

Les effets de réseau ("network effect") au cœur de la nouvelle ère

Pourquoi ce déplacement du pouvoir ? En fait, avec le développement d’Internet, les logiciels ont perdu leur pouvoir et leur rôle structurant. Ils sont devenus des commodités, et c’est le Web qui est en train de devenir la plate-forme principale, plus le PC. Ce qui compte aujourd’hui, ce sont les données, plus les logiciels.

Les internautes sont actifs sur Internet, ils créent des données, en partagent, en fournissent. Et ces données « parlent » entre elles. Il se crée une intelligence collective. La façon dont Google gère la pertinence des résultats des recherches sur Internet en est une bonne illustration : c’est le système du Page Rank, basé sur la façon dont les utilisateurs valorisent la pertinence des données. Ce n’est pas Google qui détermine cette pertinence, mais l’intelligence collective des utilisateurs qui analysent des milliards de données et, par leur intérêt pour le résultat et sa pertinence dans leur requête, déterminent la valeur du résultat. La valeur, qui était dans le logiciel, passe donc dans les données, associées aux effets de réseaux.

Les effets de réseaux, permis par Internet et le partage qu’il autorise, appliqués aux données créent la nouvelle valeur. C’est le cœur du Web 2.0.

La bonne compréhension de ce phénomène différentie les entreprises du Web 1.0 de celles du Web 2.0. Le succès fulgurant d’entreprises comme MySpace ou YouTube, qui repose sur cette très bonne compréhension des effets de réseaux, en est l’illustration.

Nous ne sommes qu’au début de cette nouvelle ère. De nombreux nouveaux acteurs et de nouveaux services vont apparaître. Même si on a déjà une idée de ceux qui vont être les grands gagnants et les grands perdants. Google, s’il ne fait pas d’erreur majeure, sera certainement un de ces grands gagnants."

Propos recueillis par Dominique Piotet, à San Francisco pour l’Atelier, avec Francis Pisani, pour Transnets.net

(Atelier groupe BNP Paribas - 01/12/2006)

(1) Le concept de Tipping Point, formalisé par des sociologues dans les années 60, a été repris et étendu par Malcolm Gladwell, dans son livre Tipping Point, qui connait un grand succès aux Etats-Unis

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