Si l'on devait recourir à une métaphore enfantine, l'affrontement inattendu qui oppose, depuis début 2006, Maurice Lévy, patron de Publicis, et Vincent Bolloré, aux manettes d'Havas, pourrait évoquer le célèbre conte de Grimm « Blanche-Neige ». Depuis 2000, en effet, date du rachat du réseau Saatchi & Saatchi par Publicis, le patron du quatrième groupe mondial de publicité pouvait, sans émoi particulier, interroger le miroir du microcosme. Lequel lui répondait sans hésiter : « Sur le seul territoire français, vous n'avez aucun concurrent en mesure de vous bousculer, encore moins de vous inquiéter. »
Mais, paradoxalement, le gain du budget BtoC Orange par Marcel, filiale de Publicis, en mars 2006, a paru tout à la fois marquer l'apogée du groupe de Maurice Lévy... et le début d'une offensive impromptue de Vincent Bolloré, alors qu'Havas avait semblé remiser depuis trois ans toute velléité de résistance à son concurrent historique. L'agence Leg, pilotée par Gabriel Gaultier, vient en effet de remporter le compte SFR, le deuxième opérateur de téléphonie mobile en France (144,5 millions d'euros investis entre janvier et octobre 2006, source TNS Media Intelligence), un budget historique de Publicis.
L'arrivée d'Orange (125,3 millions d'euros investis sur la même période) au sein du groupe Publicis, qui gérait son concurrent SFR depuis dix ans via Publicis Conseil, a certes été le détonateur majeur de ce départ. Mais le fait que Vincent Bolloré ait mis sur les starting-blocks deux de ses meilleures structures - Leg, célèbre pour la qualité et l'impertinence de sa saga Eurostar, et Euro RSCG BETC, jugé comme la plus créative de ses structures - en dit long sur les appétits industriels de l'ex-« petit prince des médias ». Même si le gain du budget SFR ne se résume pas à un affrontement entre l'agence Publicis, qui a choisi de se retirer de la compétition à mi-parcours, et sa concurrente Havas, dont la filiale Leg devait faire oublier l'échec de sa gestion du budget Citroën. TBWA (Omnicom), qui figurait en finale, et Ogilvy (WPP) se seraient révélées des concurrentes encombrantes.
Management déterminant
Il n'empêche : Vincent Bolloré vient de franchir une marche supplémentaire. La semaine dernière déjà, son agence MPG s'est emparée de la place de numéro un sur le marché français de l'achat et du conseil médias, ravissant la place de leader à Carat (Aegis), dont Vincent Bolloré est aussi l'actionnaire de référence. Enfin, coup sur coup et à marche accélérée, son agence corporate Euro RSCG C&O a décroché ces derniers mois les budgets EDF (un compte de 60 millions d'euros générant une marge nette d'environ 200.000 euros pour l'agence), RATP (20 millions d'euros de budget et une marge de 150.000 euros) et la communication BtoB d'Orange (un budget compris entre 15 et 20 millions d'euros et 150.000 euros de marge également), sans parler d'une partie des budgets Sanofi-Aventis, Alcatel-Lucent et de l'achat d'espace de Peugeot, regagné.
Il n'empêche : Vincent Bolloré vient de franchir une marche supplémentaire. La semaine dernière déjà, son agence MPG s'est emparée de la place de numéro un sur le marché français de l'achat et du conseil médias, ravissant la place de leader à Carat (Aegis), dont Vincent Bolloré est aussi l'actionnaire de référence. Enfin, coup sur coup et à marche accélérée, son agence corporate Euro RSCG C&O a décroché ces derniers mois les budgets EDF (un compte de 60 millions d'euros générant une marge nette d'environ 200.000 euros pour l'agence), RATP (20 millions d'euros de budget et une marge de 150.000 euros) et la communication BtoB d'Orange (un budget compris entre 15 et 20 millions d'euros et 150.000 euros de marge également), sans parler d'une partie des budgets Sanofi-Aventis, Alcatel-Lucent et de l'achat d'espace de Peugeot, regagné.
Bolloré disposerait-il de recettes inédites ? « Vincent Bolloré n'a pas «fait» Euro RSCG C&0 : l'agence domine le marché de la communication corporate depuis cinq ans, intervient Laurent Habib, son président depuis mars 2006. Mais les choses se sont accélérées cette année avec le lancement de trois compétitions - Orange, EDF et RATP - dont nous savions qu'elles seraient clefs puisque, outre leur montant financier, il s'agissait de consultations à la fois très stratégiques et à forte tonalité politique. » Mais Laurent Habib juge aussi que le mode de management humain de Vincent Bolloré s'est révélé déterminant : « Lorsque Alain de Pouzilhac était aux commandes d'Havas, nous disposions d'une indépendance d'action qui confinait à l'isolement. Là, nous avons la sensation que Vincent Bolloré est derrière nous : c'est lui qui a pris son téléphone pour nous annoncer que nous avions remporté EDF, RATP et SFR. Ce n'était jamais arrivé auparavant. »
Havas est-il pour autant sur le point de déstabiliser Publicis ? Ce serait aller un peu vite en besogne. Côté Havas, tous les chantiers sont loin d'être finalisés, et la fusion annoncée entre les agences Devarrieuxvillaret et Scher Lafarge, censée créer un pôle supplémentaire d'attractivité avec, à la clef, un budget majeur, Citroën, semble reportée sine die pour cause de conflits de personnes. Inversement, la situation du groupe Publicis est moins linéaire qu'il n'y paraît. Outre la perte du budget SFR et son absence en finale des grands matchs de la rentrée (RATP, EDF...), le réseau en France a dû, certes, affronter les départs des présidents de Publicis Conseil et de l'agence Marcel. De mauvaises nouvelles qui ont fait chuter le titre Publicis quand l'action Havas connaissait, elle, un renouveau aussi inattendu que spectaculaire. En quelques semaines, Publicis a ainsi perdu jusqu'à 10 % par rapport à son niveau atteint fin septembre, l'équivalent de plusieurs centaines de millions d'euros de capitalisation boursière. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, le groupe avait fait état de performances bien inférieures aux prévisions pour le troisième trimestre et modéré son optimisme pour la fin de l'année, « aggravant » son cas aux yeux des investisseurs.
Réaction exagérée
La réaction de la Bourse n'en a pas moins été jugée exagérée : Publicis étant une société française cotée à Paris, chaque nouvelle - a fortiori mauvaise - provenant de son marché originel est « surinterprétée » par les investisseurs, alors même que le groupe ne réalise plus que 10 % de son chiffre d'affaires en France. Idem pour Havas, mais en sens inverse : chaque bonne nouvelle en provenance de son territoire d'origine a été très bien saluée par la Bourse, alors que les montants en marge brute des contrats gagnés ne pèsent pas beaucoup au niveau de l'ensemble du groupe.
La réaction de la Bourse n'en a pas moins été jugée exagérée : Publicis étant une société française cotée à Paris, chaque nouvelle - a fortiori mauvaise - provenant de son marché originel est « surinterprétée » par les investisseurs, alors même que le groupe ne réalise plus que 10 % de son chiffre d'affaires en France. Idem pour Havas, mais en sens inverse : chaque bonne nouvelle en provenance de son territoire d'origine a été très bien saluée par la Bourse, alors que les montants en marge brute des contrats gagnés ne pèsent pas beaucoup au niveau de l'ensemble du groupe.
Plus troublant, peut-être, c'est au moment même de ce « creux » boursier que des rumeurs provenant des Etats-Unis ont réapparu sur un supposé intérêt de Publicis pour le troisième holding mondial, l'américain Interpublic (FCB, McCann, Lowe), qui sort à grand peine d'un long tunnel. En parallèle, certains ont même évoqué le rachat dans un premier temps de la totalité du réseau par Publicis ; puis sa revente par appartements, Publicis conservant McCann, cédant FCB à Vincent Bolloré et « liquidant » Lowe, en situation financière délicate. Evoquées par « Ad Age », la bible du secteur aux Etats-Unis, et par le « New York Post », ces rumeurs ont été démenties d'un même élan par Maurice Lévy et par Michael Roth, directeur général d'Interpublic. Mais leur degré de précision - les deux articles évoquaient la tenue d'un conseil de surveillance de Publicis afin d'autoriser l'ouverture de discussions avec Interpublic en vue d'une offre - a jeté un certain trouble. « Publicis a besoin d'effectuer une nouvelle opération d'envergure pour redonner confiance aux marchés et doper son cours de Bourse », estiment alors certains analyses. Et, de fait, l'opération est de poids - Interpublic pèse 5,4 milliards de dollars en Bourse - et pourrait parfaitement être assumée par l'excellente santé des ressources financières du groupe de Maurice Lévy. Le nouvel ensemble « Interpublicis », comme l'a déjà baptisé ironiquement la presse américaine, aurait un poids équivalent à celui d'Omnicom, le leader mondial. De quoi, une fois encore, rebattre les cartes.
Source : Les Echos du 12/12/2006
GRÉGOIRE POUSSIELGUE ET VÉRONIQUE RICHEBOIS
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